El peronismo “diluido” de los Kirchner

Libération analiza el progresivo declive de los partidos políticos en la Argentina, en particular la “dilución” de los ideales peronistas en el discurso y la acción de los Kirchner. Martín Tavaut


Cristina mènera une politique plus inspirée par celle de son mari que par le général.
Jean-Hébert Armengaud
30 de octubre de 2007

Cristina Fernández succède donc à son mari, Néstor Kirchner, à la tête de l’Argentine. Ces deux-là se sont rencontrés au début des années 70, alors militants des jeunesses étudiantes péronistes. Pourtant, dans son premier discours de victoire, dimanche soir, la nouvelle présidente, qui prendra ses fonctions le 10 décembre, n’a fait aucune allusion à ce «péronisme» qui domine encore la vie politique argentine, plus de trente ans après la mort du général Perón. Au contraire, elle a appelé à «dépasser les vieilles oppositions». Et même si, dans la salle, certains ont fait mine d’entonner le chant péroniste, elle ne l’a pas repris en chœur.
Le général, qui gouverna l’Argentine entre 1946 et 1955, avec sa poigne autoritaire, défendant l’étatisation de l’économie et une «alliance de classes» qui était censée parvenir à la «justice sociale», reste un mythe argentin – et plus encore, peut-être, sa femme d’alors, Eva Perón. Mais, si la référence subsiste en filigrane, le péronisme s’est largement dilué dans la vie politique contemporaine, et le couple Kirchner n’y est pas totalement étranger.
Hétéroclite. Divisé entre tendances et personnalités adverses, le parti officiel du péronisme, le Parti justicialiste, est moribond. Cristina Fernández de Kirchner n’a pas même pris la peine de se présenter sous cette étiquette, mais sous celle d’une alliance hétéroclite «kirchnériste», le Front pour la victoire (FPV). Son «ticket» pour la vice-présidence, Julio Cobos, est d’ailleurs un transfuge de l’Union civique radicale… ennemi traditionnel du péronisme.
Et, parmi les principaux adversaires, dimanche, de la nouvelle présidente, deux autres figures se revendiquaient un tant soit peu du péronisme, Adolfo Rodríguez Saá et Roberto Lavagna, ancien ministre de l’Economie de Néstor Kirchner. «Elle n’est pas vraiment péroniste, on voit qu’elle n’a pas la foi, critique ainsi un partisan de Rodriguez Saá. Le péronisme, c’est un sentiment. On ne peut pas le partager, le noyer dans une alliance opportuniste.» «En vérité, estime un éditorialiste du quotidien La Nación, plus personne ne sait aujourd’hui sur quoi repose le justicialisme, ni où sont les idées de son fondateur. Il y a toujours des appareils politiques qui s’en réclament, toujours des cotillons et de la liturgie, mais plus grand-chose de l’idéologie.»
En tout cas, l’élection de dimanche confirme l’agonie des partis traditionnels, dont le Parti justicialiste. «Les partis argentins aujourd’hui sont dans une seule logique d’appareil, pas dans une logique de projets, estime l’analyste électoral Ricardo Rouvier. Le péronisme, notamment, est liquidé, remplacé par une simple bureaucratie partisane et électorale.» Certains font remonter cette disparition aux deux présidences successives du péroniste Carlos Menem, dans les années 90. Comme ailleurs en Amérique latine, ces années-là seront marquées en Argentine par une vague de libéralisme économique – privatisations, désengagement de l’Etat dans le secteur de la santé… – à l’exact opposé de l’interventionnisme étatique défendu, au moins dans ses premières années au pouvoir, par le général Juan Domingo Perón. Ce qui ne dérangeait pas Carlos Menem, qui continuait à se réclamer du justicialisme…
«Miracle». Après la catastrophe économique et monétaire de 2001, quand le pays s’est retrouvé en faillite, la présidence de Kirchner s’est caractérisée par un retour de l’Etat dans l’économie, mais avec un fort pragmatisme, toujours très loin de l’idéologie globale péroniste : renationalisations partielles très ciblées, subventions aux transports publics et à la consommation d’électricité, contrôle de certains prix… En fait, Néstor Kirchner a surtout eu la chance de pouvoir rebondir sur des taux de croissance de près de 8 % par an, grâce notamment au boum du prix mondial des matières premières agricoles – soja, blé, maïs – dont l’Argentine est grande productrice.
C’est ce «miracle», encore fragile, qui a sans doute permis l’élection de sa femme. Mais l’ancien président ne quitte pas la vie politique : on lui prête l’intention, dans les mois qui viennent, de reconstituer une force politique solide en soutien de sa désormais présidente de femme. Un parti qui sera sans doute plus kirchnériste que péroniste.