La victoria de Cristina Kirchner vista por la prensa francesa

Los principales diarios nacionales franceses, Le Monde, Le Figaro y Libération, dan cuenta de su victoria –considerada como el corolario de su propia carrera política-, de su temperamento, así como de los enigmas que su futura gestión todavía encierra. Por Martín Tavaut, corresponsal en Francia.


Cristina Kirchner, première femme élue à la présidence de l’Argentine
Le Monde
Christine Legrand
29 de octubre de 2007

La première dame argentine et candidate péroniste, Cristina Fernandez de Kirchner, a largement remporté l’élection présidentielle du 28 octobre avec 43,55 % des voix, selon des résultats portant sur 75 % des suffrages. Elle assumera le pouvoir le 10 décembre, pour un mandat de quatre ans, succédant ainsi à son mari, le président Nestor Kirchner, au pouvoir depuis 2003.
A 54 ans, «Cristina», comme l’appellent les Argentins, est la première femme élue à la présidence du pays, mais pas la première à accéder à la fonction de chef de l’Etat. En 1974, Isabel Martinez de Peron, troisième épouse du général Juan Domingo Peron, avait assumé la présidence à la mort du caudillo, dont elle était la vice-présidente.
Une autre femme, Elisa Carrio, est arrivée en seconde position, avec 23,13 % des voix, à la tête de la Coalition civique de centre-gauche, qui devient la seconde force politique du pays.
Longue chevelure auburn, avec un goût marqué pour le maquillage et les vêtements de luxe, Mme Kirchner est aussi séductrice que son mari est introverti. Cette avocate de formation est souvent comparée par les uns à Hillary Clinton, la candidate à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine, et par d’autres à Evita, l’icône du péronisme. «Ni Evita ni Hillary : Cristina», rectifie-t-elle.
Mme Kirchner a gagné l’élection présidentielle dans la foulée de la croissance la plus forte qu’ait connue l’Argentine depuis soixante ans et face à une opposition divisée. Pendant la campagne, à la tête du Front pour la victoire, regroupant péronistes, radicaux et socialistes dissidents, elle a cultivé un style plus proche de la social-démocratie que de la traditionnelle liturgie péroniste.
Mme Kirchner a déjà mené une longue carrière politique, qu’elle a construite parallèlement à celle de son mari. Les mêmes convictions unissent les deux membres du couple présidentiel depuis leur rencontre dans les années 1970 à La Plata (50 km de Buenos Aires). Les deux étudiants en droit militent alors dans les jeunesses péronistes de gauche. Pendant la dictature militaire (1976-1983), déjà mariés, ils se réfugient à Rio Gallegos, capitale de Santa Cruz (Patagonie). Nestor est maire de sa ville natale quand Cristina est élue députée de la province en 1989. En 1993, elle devient sénatrice. Il est élu gouverneur en 1995. En 2003, il est élu à la présidence. Deux ans plus tard, elle est élue sénatrice pour la province de Buenos Aires. «Ils gouverneront ensemble comme c’est le cas actuellement», souligne le sociologue Torcuato Di Tella. Le «power couple [argentin] fonctionne comme une entreprise», écrit, dans sa biographie La Reina Cristina, la journaliste Olga Wornat. Elle décrit Mme Kirchner comme «intelligente, forte, cyclothymique, généreuse, arrogante et implacable».
Cristina a annoncé «un changement dans la continuité». Les Argentins ne s’attendent pas à un changement de cap. Elle défend vigoureusement le bilan de son mari. Elle s’est engagée à renforcer les institutions démocratiques. Elle a passé près de la moitié de la campagne à voyager en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique latine pour attirer les investisseurs étrangers. Elle accordera sans doute plus d’importance à la politique étrangère.
«Il y aura un changement de style mais pas de fond», estime le politologue Rosendo Fraga. Le test sera la relation avec le président vénézuélien Hugo Chavez, bête noire de Washington, avec lequel M. Kirchner a tissé des liens étroits. Elle devra négocier la dette argentine avec le Club de Paris.
Le président Kirchner cultivait le conflit. Les hommes d’affaires, à Buenos Aires, espèrent qu’elle sera plus ouverte au dialogue. Elle souhaite négocier avec eux et avec les syndicats un «pacte social» pour maîtriser l’inflation. Se disant «très amie» de Michelle Bachelet, la présidente socialiste chilienne, «Cristina» revendique un leadership féminin. Ségolène Royal était, à Buenos Aires, sur le podium officiel pour fêter la victoire de la nouvelle présidente argentine.
Cristina, une «dame rebelle» pour présider l’Argentine
Le Figaro
Patrick Bèle
29 de octubre de 2007

C’est la première femme à être élue à ce poste dans ce pays.
La sénatrice Cristina Fernández de Kirchner, épouse du chef de l’État sortant, Nestor Kirchner, a remporté, dès le premier tour, l’élection présidentielle d’hier. Elle a obtenu 44,14% des voix, devant une autre femme, la députée libérale chrétienne Elisa Carrio (23,26%), selon des résultats quasi définitifs portant sur près de 88% des suffrages. L’ancien ministre de l’Economie Roberto Lavagna, a obtenu de son côté 17,17% des suffrages. C’est la première femme à être élue à ce poste dans ce pays. Jouant sur le redressement économique qui a marqué le mandat de son mari, elle prendra, en décembre et pour quatre ans, la tête d’un pays redevenu prospère.
JEUDI dernier, Cristina Fernandez de Kirchner, 54 ans, a conclu son dernier meeting dans les bras de son mari dont elle espère prendre la succession à la présidence de la République argentine. Tandis qu’elle est acclamée par plusieurs milliers de militants, quelques larmes ont coulé sur ses joues, dérangeant son impeccable maquillage.
L’image est trompeuse. Ce n’est pas une épouse dévouée et fragile qui veut faire son entrée à la Casa Rosada, le palais présidentiel de Buenos Aires. C’est une femme de caractère, autoritaire et déterminée, capable de traiter les journalistes d’« ânes » quand ils l’interrogèrent sur les pouvoirs exceptionnels que son mari de président s’était octroyés.
Ses collaborateurs l’appellent la « patronne ». Un ancien membre de son équipe, Tio Plaza, se rappelle : « Cristina est aussi intelligente qu’insupportable. Elle est brillante, mais j’ai fini par la quitter », a-t-il raconté à sa biographe Olga Wornat, auteur du livre Reina Cristina. « Elle est l’âme combative du couple Kirchner, » estime José Angel di Maura, un autre de ses biographes. De combativité, elle n’en manque pas, comme lorsqu’elle déclara en juillet devant le patronat espagnol que « les manoeuvres des entreprises espagnoles sont inadmissibles », alors que l’Argentine cherche plutôt à pacifier ses relations avec les investisseurs étrangers.
En politique intérieure, elle a acquis le surnom de « rebelle ». Sénateur péroniste élue en 1995, elle ose s’opposer à Carlos Menen, alors président, en demandant la démission du ministre de la Défense ! Elle voulait le sanctionner pour un scandale de ventes d’armes à l’Équateur. Peu habitués à être bousculés, les péronistes l’exclurent de leur groupe parlementaire.
Par ses prises de position tranchées, Cristina Kirchner a acquis une crédibilité politique. Longtemps, elle a été plus connue que son époux. Friands d’histoires drôles, qui parfois en disent plus sur la réalité que des discours convenus, les Argentins racontent que Hillary Clinton apostropha un jour Cristina Kirchner : « Alors, grâce à ton mari, tu vas devenir présidente ? – C’est le contraire, répond l’Argentine, si lui est président, c’est grâce à moi ! » Pendant la campagne, elle a beaucoup voyagé pour renforcer sa dimension internationale, allant même jusqu’à recevoir, jeudi dernier à Buenos Aires, la perdante de l’élection présidentielle française, Ségolène Royal.
« Des styles différents mais un même pays dans la tête »Cristina Kirchner a conquis de haute lutte le droit de se présenter à la présidentielle. Aux sénatoriales de 2005, elle a réussi à battre l’épouse d’Eduardo Duhalde, l’un des puissants chefs péronistes de Buenos Aires. Cela a permis aux kirchnéristes de prendre pied dans la principale province, qui regroupe près de 40 % de la population argentine, et à Cristina Kirchner de s’imposer comme incontournable dans le parti.
Avec son mari, qu’elle appelle « Kirchner », ils sont complémentaires. « Nestor et Cristina sont comme un animal bicéphale. Ils ont des styles différents mais un même pays dans la tête », expliquait l’ancien ministre des Affaires étrangères Rafael Bielsa au quotidien La Nacion. Dans El Pais, l’une des rares interviews qu’elle a accordé, elle expliquait en juillet : « Nous avons étudié ensemble [avec Nestor]. Nous nous disputions car j’avais du mal à le retenir assis à étudier. Il me tuera pour ce que je dis, mais moi, je ne bougeais pas et lui devait se lever toutes les demi-heures pour écouter les infos ou boire du mate [thé argentin]. »
Cristina Kirchner s’énerve quand on l’interroge sur sa coquetterie. « Attaquer une femme parce qu’elle aime s’habiller, parce qu’elle est féminine ! Je ne crois pas que la féminité soit incompatible avec la politique. J’ai toujours soigné mon apparence physique, je me suis toujours maquillée comme (on peint) une porte… Je crois que je suis née maquillée… Il faudrait que je me déguise en pauvre pour être une bonne dirigeante politique ? » s’agaçait-elle cette semaine sur Radio 10. Dans la biographie que lui consacre Olga Wornat, elle se confie sur la perspective de recourir à la chirurgie esthétique pour éliminer ses rides naissantes : « Je le ferais bien tout de suite, mais les médias vont m’assassiner. »
Argentine: Cristina Fernandez succède à son mari
Libération
Jean-Hebert Armengaud
29 de octubre de 2007

La femme du président sortant Nestor Kirchner a largement emporté l’élection présidentielle au premier tour.
Scrutin sans surprise en Argentine: comme l’annonçaient tous les sondages, Cristina Fernandez de Kirchner, la femme du président sortant, le péroniste de centre-gauche Nestor Kirchner, a largement emporté l’élection présidentielle d’hier, et n’aura pas même besoin d’un deuxième tour, le 25 novembre, pour s’installer à la Casa Rosada, le palais présidentiel. Elle obtiendrait, selon les derniers résultats encore provisoires, 44% des suffrages, contre 22% à sa rivale la plus directe, Elisa Carrio, chef de file de la Coalition civique, également de centre-gauche, une formation nouvelle qui intègre notamment le Parti socialiste argentin.
La Casa Rosada, Cristina Fernandez connait bien, depuis 2003, quand son mari a été élu. Plutôt mal élu, avec 22% des voix: il avait notamment bénéficié du retrait du candidat arrivé deuxième, Carlos Menem. Depuis, il a su remonter ce handicap de popularité, grâce au redressement économique qui a suivi la grave crise et la faillite économique du pays, en 2001. Toujours est-il que Nestor Kirchner et son épouse, depuis la Casa Rosada, formaient un véritable couple politique, le président consultant régulièrement sa femme, même si Cristina continuait aussi, comme sénatrice, à mener sa propre carrière politique, commencée dans les années 90 comme députée du parlement régional de la province de Santa Cruz, dans le sud du pays. Il n’empêche: la surprise a tout de même été grande quand Nestor Kirchner a annoncé qu’il ne se représenterait pas mais passerait le flambeau à sa femme. Sans donner aucune explication et sans passer par un quelconque mode de désignation partisan. Hier, en quelque sorte, c’est un couple qui s’est fait réélire. Et même si désormais c’est Cristina qui tiendra le devant de la scène, personne ne croit en Argentine que son mari cessera de peser dans la vie politique. Certains lui prêtent même l’intention de reprendre le relais à l’élection de 2011.
En attendant, Cristina Fernandez a commencé, hier soir, dans son discours de victoire, par rendre hommage à son mari, à « remercier le président Kirchner, profondément engagé avec son pays et son peuple. » En 2003, « ce pays paraissait impossible à reconstruire », mais avec cet homme qui « a alors assumé la présidence de la république, mon compagnon de toujours, nous avons énormément avancé, relancé l’économie, combattu la pauvreté et le chômage. » Elle a promis « de rassembler les Argentins, et notamment les Argentines, femmes seules, étudiantes, ouvrières, chefs d’entreprises » derrière son projet « d’approfondissement du changement », avec sans doute la même équipe et les mêmes alliances. « Les K », comme disent les Argentins, restent au pouvoir, mais cette fois derrière « CFK ».